samedi 14 mai 2011

SHAUN ELLIS, L’HOMME LOUP

Retranscription du reportage diffusé dans l’émission « Sept à huit » sur TF1 du 3 avril 2011. J’ai vu ce reportage complètement par hasard en allumant la télé. J’en avais les larmes aux yeux. A vous d’apprécier l’histoire…

Cet ancien militaire et garde forestier de 46 ans aura vécu 2 ans dans les rocheuses avec une meute de loups en liberté. Il aura appris avec eux à grogner, hurler, lécher et survivre. Nous ne l’aurions peut-être pas cru si nous ne l’avions pas retrouvé dans cet enclos au sud-est de l’Angleterre où il s’est enfermé 18 mois nuits et jours avec des loups qui, même en captivité, restent dangereux. Il fait parti aujourd’hui de la meute. Shaun Ellis est donc bien un homme loup, pourtant doux comme un agneau.


Shaun vous venez de rentrer dans votre enclos avec vos loups, expliquez nous ce qu’il se passe en ce moment.

En ce moment, on échange et on se salut les uns, les autres. Ces gars là sont capables de renverser une masse de plus de cinq cent kilos. Surtout quand ils sont très excités comme là, maintenant lorsque j’arrive. Mais pour leur donner confiance, je leur fait de longues et grandes caresses tout le long du corps. Et puis je respire, comme aurait respiré leur mère et ça les détend et les rend très calmes et très dociles.


Ce qu’il faut dire c’est que vous avez appris à vivre avec les loups, à vous nourrir de viande crue à même la carcasse, à grogner pour vous défendre, à hurler aussi pour communiquer avec eux…

Pour installer la confiance avec ces loups, tout ce que j’ai à faire c’est leur offrir ma gorge et leur laisser me la saisir. C’est une façon de leur montrer qu’ils pourraient me tuer en une seconde. Là elle est en train de me tester (en parlant d’une louve à ses cotés), et si je veux qu’elle me respecte et qu’elle me fasse confiance, tout ce que j’ai à faire c’est comme ça (il se met en position de domination). Et alors elle va se mettre sur le dos et m’offrir son ventre en signe de soumission. Et quand je veux qu’elle revienne vers moi, tout ce que j’ai à faire c’est me relaxer, baisser les yeux et l’appeler comme ça : (il fait un cri spécifique). Elle revient vers moi.


Ce qui parait le plus impressionnant c’est cette espèce de corps à corps que vous avez avec ces animaux. Vous n’êtes pas armé comme eux, vous n’avez pas de griffe, vous n’avez pas de crocs. Vous prenez des risques énormes?

Oui comme vous dîtes, ce n’est pas une affaire de pouvoir, de force ou d’agressivité. Pour ces animaux, il est question de respect, d’entraide et de lien familial.


Et lorsqu’ils mettent votre nez ou votre bouche dans leur gueule, vous n’avez jamais peur qu’ils embarquent le nez ?

Bien sûr que si. Parfois j’ai même bien raison d’avoir peur. D’ailleurs je ne serais pas humain si je n’avais pas peur.


Et, est-ce que lorsque vous grognez vous pensez que vous leur faites peur ? Franchement.

Non c’est une forme de communication en soi. Lorsque je grogne avec ces loups, c’est comme si j’avais une conversation avec vous.


Vous connaissez bien cet enclos. Vous avez vécu 18 mois dans cet enclos à dormir avec vos loups.

Oui entre leurs pattes on peut se faufiler, se mettre au chaud. C’est comme avoir un petit poil portable. Et ils se blottissent autour de vous pour vous réchauffer.


Vous dormiez où ?

Si vous regardez derrière moi là, vous verrez des rochers dans le fonds de l’enclos. Et pendant plusieurs mois les louveteaux et moi-même avons dormi dans cette tanière quand il y avait trop de vent ou trop de pluie.


Et si vous avez vécu 18 mois avec ces loups, si vous avez vécu si longtemps dans cet enclos, c’est que vous avez élevé des petits louveteaux qu’une mère a abandonné à la naissance.

C’est exact. J’ai élevé les louveteaux et j’ai passé 18 mois dans cet enclos.


Vous racontiez que vous aviez un peu la position, le rang de la nourrice, que vous vous occupiez des louveteaux. On sait que les loups pour nourrir sont obligés de régurgiter. Est-ce que vous faisiez ça, est-ce que vous mâchiez aussi la viande pour les louveteaux ?

Oui je faisais ça de façon assez régulière (passage d’images le montrant avec les louveteaux prenant la nourriture dans sa bouche).


Vous avez vraiment vécu comme un loup à ne pas vous laver, à uriner comme les loups, à puer le loup sûrement ?

Les excréments, les urines font parti de leurs défenses naturelles. J’ai donc dû faire la même chose.


Si vous avez cette connaissance absolument incroyable des loups en captivité, c’est parce que vous avez passé presque 2 ans je crois dans les rocheuses, à infiltrer une meute de loups sauvages. Ce qui parait absolument invraisemblable.

Les indiens d’Amérique avec qui j’ai vécu et que je respecte comme ma famille, me disaient : « Si tu veux parler au nom des Indiens tu dois vivre comme les Indiens. Donc si tu veux parler au nom des loups tu dois vivre comme un loup. » C’est pour ça que j'ai voulu devenir comme eux : pour les comprendre complètement.


Donc vous étiez un élément de la meute. Les loups vous ont accepté, vous ont même nourri je crois.

Plus d’une fois ces animaux m’ont sauvé la vie. Et pas seulement en me protégeant des ours, mais en m’indiquant ce que je devais manger, ce que je devais boire, où je devais dormir, où je devais me reposer, comment je pouvais rester au chaud dans un environnement extrême. Ils m’ont beaucoup plus appris que je ne leur ai appris.


Donc ils vous apportaient chaque jour un peu de nourriture de leur chasse, c’est ça ?

Oui parfois il fallait attendre 3 à 4 jours avant qu’ils ne m’apportent de la nourriture. Mais elle finissait toujours par arriver. Quelque fois c’était une patte sur laquelle il restait un peu de viande ou alors les loups régurgitaient ce qu’ils avaient dans leur estomac. C’était de la bile ou des morceaux de viande. Quand on est devant une carcasse, vous avez une partie qui vous est réservée en fonction de votre rang dans la hiérarchie de la meute. Il faut être très attentif à cela. Au début, je me suis fait mordre et réprimander plusieurs fois. Avant que je ne comprenne à quoi j’avais droit (images le montrant dévorant une carcasse avec les loups).


Dans les carcasses, ils vous laissent les bons morceaux au moins ?

Non, moi je suis très bas dans la hiérarchie. J’ai droit à l’intérieur de l’estomac par exemple. Les muscles des parties nobles sont réservés au mâle dominant. Je n’ai pas le droit de toucher aux parties vitales comme le cœur, le foi, les reins ou le cerveau. La partie qui m’est attribuée se limite à la cage thoracique ou au cou.


Comment avec vos petites canines vous faites pour mâcher cette viande crue ?

Vous faites plus ou moins comme eux : vous essayez d’arracher des gros morceaux. C’est très semblable à la manière dont les hommes se nourrissaient il y a des milliers d’années de cela.


Est-ce que vous vous sentez plus homme ou loup ?

Ah ! C’est une très bonne question. Si vous me l’aviez posé il y a 5 ou 10 ans, je vous aurais sûrement répondu loup. Je suis beaucoup plus à l’aise dans leur monde mais je suis un homme et mon rôle est d’être leur porte-parole. C’est comme si j’avais une double vie. Je dois faire le lien entre nos 2 mondes.


Dans votre vie vous avez plus côtoyé des loups que des humains. Vous avez même réussi à rencontrer une femme et avez des enfants. Cela doit être assez compliqué de vivre avec un homme loup ?

Oui c’est très difficile. La personne que j’ai fini par rencontrer a dû se débrouiller avec mes 2 familles : celle des loups et celle des hommes. C’est difficile d’imposer ça à quelqu’un.


Dans votre livre vous expliquez que quelques fois que vos loups sont plus importants que vos propres enfants.

Oui je sais que c’est dur d’entendre ça. Ces loups sont mes enfants mais j’ai aussi des enfants à la maison et c’est très important pour moi d’avoir le respect de tous.


Et vous qui êtes un ancien militaire, qui avez fait la guerre en Irlande, vous dites que vous êtes plus respectueux des guerriers que sont les loups que du soldat qui fait la guerre en appuyant sur sa gâchette.

Oui c’est ce que je pense. Je me suis battu aux cotés d’hommes dans une guerre qui n’avait pour moi aucun sens. Et puis je me suis battu aux cotés des loups qui voulaient protéger leur famille, leur territoire, leurs louveteaux ou encore leurs réserves de nourriture qu’ils font pour l’hiver. Je savais pourquoi on se battait : non pas pour de la politique, du pétrole ou de l’argent. Avec les loups je me battais pour survivre et ça ça avait du sens pour moi.


Avant de nous quitter est ce que vous pourriez hurler à la mort comme le font les loups ?

Bien sûr !

(Le reportage montre alors Shaun hurlant tel un loup. A peine quelques secondes plus tard, 2 loups le rejoignent et entament à leur tour un hurlement de compassion).